jeudi 6 novembre 2014

Dernier (du) Marathon

Il avait déjà fait des marathons. Pendant presque 8 ans.

Pas toujours chic dans les conditions dans lesquelles il travaillait ses poumons et son mollet, mais il courait depuis presque 8 ans. 6 Officiellement, mais deux avant de vraiment courir, il se préparait déjà à tout ça depuis plusieurs années alors on pouvait dire que cela faisait 8 ans qu'il foulait la route d'un pied alerte.

On était pas toujours d'accord avec ses méthodes d'entrainement toutefois. Sa manière de se soigner entre autre. Un investissement obligé dans "l'industrie" de la santé, obligeant la dépense de larges sommes et ce, même si on en avait pas nécessairement les moyens, ou encore même si les médecins n'étaient ni accessibles. ni même prêts à vous recevoir.

Mais il courait. Avait l'impression d'améliorer ses temps. C'est facile quand c'est nous qui tenons le chrono. On triche un peu au début. Un peu aussi au milieu ("Oh! Je l'avais accroché?"), à la fin des fois, quand on voit le fil d'arrivée.

Il s'amusait du fait que lorsqu'il avait commencé à courir, il avait les cheveux noirs et que maintenant ils baignaient dans le gris. On lui disait toujours qu'à sa prochaine course, il en creverait. Il en riait. C'était un homme positif en public, mais qui sait si en privé il ne s'en trouvait pas un peu blessé. Son entourage le trouvait d'ailleurs beaucoup plus fatigué qu'auparavant. Fatigué, las, partout. Dans son verbe autrefois lyrique, inspiré et vivifiant, donc crevé mentalement, mais aussi mais lorsque venait le temps de sortir l'épicerie du coffre de la voiture, sortir d'une voiture, planter son regard dans celui d'un autre, serrer la main d'un collègue ou d'un invité.

Il riait moins fort. La vie semblait l'écraser peu à peu. Le travail surtout. Il donnait tout l'air du gars qui n'avait qu'hâte que chaque journée finisse. Chaque journée chargée de trop de monde, lui donnant trop de conseils sur tout. Chaque journée lourde où il avait toujours l'impression qu'il ne s'appartenait plus. Il en avait développé une aversion pour le jour et un amour pour la nuit.

Homme à la peau noire, il se fondait le soir, dans l'ombre, vêtu de son kit de jogging, et courait, chaque soir, s'appartenant. Se trouvant bon. Se sachant bon. Seul, avec ses grands projets du lendemain au travail. Projets qui parfois obtenaient des fins de non recevoir,  ce qui ne le démontait jamais. Publiquement. Il était positif. Il avait vu pire. Il savait qu'il existait pire.

Oui, sa compagnie avait perdu beaucoup de lustre, mais avant lui, elle était déjà ne chute libre. Il lui restait deux ans de contrat à travailler et il avait un calendrier mental qui fonctionnait à rebours. Comme on se fait un calendrier de l'avant pour ses vacances ou pour Noël, il savait déjà quand il quitterait la compagnie qui l'avait engagé.

Et il trouvait la rédemption dans la course. Un pas devant l'autre. Avec la meilleure impression possible qu'il s'améliorait, qu'il ne courait pas à reculons, qu'il avait fière allure, Même en vacances. Même si son groupe de coureur le lâchait de plus en plus. On ne voulait plus qu'il court avec certains, car il ralentissait le groupe. Si il fallait qu'il le prenne personnel, il n'en finirait plus. Après tout, il ne rajeunissait pas non plus et les jeunes loups sortaient de partout. Au travail comme partout. Incluant les trajets de marathons.

Pour son dernier marathon, il avait voulu mettre le paquet mais il lui avait manqué d'énergie. D'inspiraton aussi. De confiance. Et quand on manque de confiance, on inspire le doute autour. Il avait toujours trouvé humiliant quand sa grand-mère lui disait à propos de son grand-père "Fais attention quand Grand-papa te dis qu'il est capable de toute faire, les grands-papas disent toute ça par orgueil, mais en vrai i' sont pas tout l'temps capables".

Il n'était pas grand-papa encore, mais il se sentait comme tel. Était-il encore capable?
Et à chaque fois, avec un grand "PFFF!" de rejet de l'idée, il se convaincait qu'à 69 ans, il avait encore tout ce qu'il fallait pour courir.

Ce dernier marathon le prouverait.
Il le pensait mais gardait le regard pointé vers le sol.
Un sol qu'il foulerait pour un dernier marathon d'un pas vieilli.

Il aurait lieu partout aux États-Unis, dans les 52 États, et la somme de chaque course lui donnerait un rendement final. Dans certains États, il inspirait étrangement la crainte. Ces propres partenaires de courses ne voulaient pas qu'il s'entraîne en leur compagnie, il ne voulait même pas le voir afin qu'il ne leur apporte pas la poisse.

Il inspirait encore, mais parfois pas dans la direction généralement souhaitée.

Puis, la course arriva. Et Il fût tout simplement désastreux.

Lui qui avait souvent terminé premier entre 2008 et 2009 termina entre la sept cent millionnième place et la six cent cinquante millionnième place.

De plus, au travail, un nouveau conseil de travail, né d'une fusion plus ou moins malsaine, allait devoir être consulté pour chaque décision qu'il prendrait et PIRE, bien souvent ce seraient eux qui prendraient la/les décisions, sans même vraiment se soucier de son avis.

Ses deux prochaines années seraient misérables.




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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)