dimanche 19 octobre 2014

Le Cordon Ombilical

"Tu t'en vas où?"

Les têtes de Tonina et de Muddy se sont retournées toutes les deux en même temps.
Incrédules face à ce que Nigga venait de leur annoncer.

"Je m'en vais vivre aux États-Unis, j'ai assez d'argent maintenant, je veux faire une croix sur cette vie, je suis prêt à passer à autre chose"

"Et tu compte faire quoi à New York? percer le marché de la drogue et te faire un nom dans les 5 familles?"

La tension était grande, Nigga ne savait même pas qui de Tonina ou Muddy lui avait dit ça. Nigga travaillait pour eux depuis ses 16 ans, il faisait la distribution des "roches" en plus de faire de temps à autre de "la job de bras". Oui, il avait tué. Le crack avait été le plus bel héritage de Ronald et Nancy Reagan. Pendant que le premier finançait ses programmes avec l'argent de sa distribution au Nicaragua, la seconde exposait le mur du "Just say no to drugs".  Quand le journaliste Gary Webb exposerait ce lien entre la CIA, les Contras, le gouvernement des États-Unis, on le suiciderait de deux balles dans la tête en 2004.
Nigga avait fait ce qu'il avait à faire, à 41 ans, il comptait se refaire plus proprement. Ailleurs.

"Si je voulais continuer dans le milieu, j'irais sur la côte Ouest ou au Nicaragua pas à Queen's ou à Chicago. Je vais aller vivre en Pensylvannie ou au New Hampshire. Une petite vie tranquille où je vais me faire une vie avec une belle femme que je trouverai là-bas."

Muddy explosa de rire. Une belle femme? un gars comme Nigga? Mais il était vrai qu'il avait accumulé un très forte somme d'argent depuis 1989 et que ce seul "trait de personnalité" pouvait charmer quelques donzelles.

Nigga savait qu'en s'affranchissant de Tonina et de Muddy, il s'exposait à la perpétuelle paranoia de ceux-ci. Irait-il tout confesser aux cochons pour une plus grande somme d'argent encore? Serait-il approché par des gang rivales? comme la Southpaw Grammar Gang de Baltimore? Ce sont toutes ses questions qui passaient dans les yeux de Tonina, une femme sans pitié pour les traitres.

"Comment je saurais si tu replongerais pas?" demanda-t-elle.
Quand Nigga est dans son champs de vision, elle le sait loyal, elle connait tout de son non verbal. Mais de le savoir loin, aux États-Unis, ça voudrait dire quoi? Une sentinelle à l'ombre pendant qu'une gang rivale venait faire le ménage à Montréal?

"Qu'est-ce qui me dit que t'as pas été approché par Smitthy ou Moby, que tu leur as pas tout révélé de nos petits secrets, que quand tu vas être là-bas au loin, en sécurité, on viendra pas nous faire la peau ici dans le bunker?"

"Franchement Toune, tu me connais mieux que ça! Je veux être "clean". J'ai l'impression d'avoir tout fait ce que j'avais à faire et c'est une nouvelle vie que je veux m'offrir. C'est tout. Personne ne m'a rien dit, personne ne m'a approché, si je suis aux États-Unis demain, avant ce jour-là je n'aurai pas existé, c'est promis"

Il avait formulé cette dernière phrase comme une demande de permission. Et c'est un peu ce qu'il faisait, demandait la permission à celle qui lui avait donné la chance de faire fortune dans le milieu de la drogue à Montréal.
Il avait touché son lobe d'oreille gauche, geste qu'il posait quand il se sentait mal à l'aise. Ceci n'avait pas manqué à l'attention de Tonina. Elle s'approcha doucement de lui.

" Pourquoi t'es nerveux si t'as rien à te reprocher d'abord?"
"Parce que j'ai l'impression que tu me fais pas confiance Toune...je t'ai tu déjà trahie?"

Elle ne répondit pas. Cherchant à la fois si il l'avait déjà trahie en 25 ans et la sincérité dans ses yeux.
Nigga repris:
"C'est toi qui m'a faite, Toune. maitenant je te demande juste de me défaire"

Afin qu'il lui soit toujours sujet et redevable, Tonina eût une idée.

"Tu vas me dire où tu vas habiter, la région, pis nous on va te trouver ta maison. On va même te la payer..."

"...Non j'capabl..."
"TCHTCHtchtchtchtch, dit-elle mettant son doigt sur les lèvres de Nigga, j'ai juste besoin de l'État dans lequel tu vas aller vivre, je te paie ta maison pis après je veux 'plus jamais entendre parler de toi...promis?"

Elle avait dit cette dernière phrase avec une faiblesse dans la voix, émue, elle avait tout de même établit d'étroits liens affectifs avec ce fidèle employé en 25 ans et n'avait pourtant jamais vu venir cette envie de voler de ses propres ailes. Et ailleurs.

Et c'est ce qui arriva. À Manchester dans le New Hampshire, Nigga eût une très jolie maison. Dans une banlieue cossue, Ne manquerait plus que la belle femme qu'il comptait bien trouver quelque part au pays de l'oncle Sam. Peut-être même une blanche si il s'en trouvait capable. Il s'était complètement rasé, c'était fait une nouvelle tête, un nouvelle identité.

Il avait changé son nom, falsifié un faux CV lui donnant un passé d'exportateur de bikini pouvant expliquer sa fortune accumulée, Il avait changé trois fois son # de téléphone afin qu'on ne le retrace jamais et avait attendu 8 mois avant de se procurer un téléphone cellulaire afin de se refaire un virginité complète.

Mais le jour de l'Halloween, le téléphone sonna et c'était Tonina qu l'avait appelé. Simplement pour prendre des nouvelles. Elle lui avait fait jurer de ne plus jamais donner de ses nouvelles et la voilà que c'était elle qui l'appelait. Et par son faux nom. Comment avait-elle...?Ses tentacules étaient interminables. Sa griffe longue. Elle était moins tendue que mélancolique au bout de la ligne. Si Nigga avait changé, Tonina avait aussi changée, Elle semblait presque triste.

"Tu penses tu toute lâcher toi aussi, Toune?"
Elle avait laissé passer un silence.
"Tu penses tu abandonner le milieu?" avait répété Nigga.
"peut-être un peu..." avait-elle dit sans explications.
"Ton départ, ça fait réfléchir,..ça fait réfléchir."

Cette conversation avait un peu bouleversé Nigga. C'est un peu à l'envers qu'il avait été répondre à la porte aux enfants costumés. Quand l'un d'eux, un petit diable, lui avait demandé de se rendre à la salle de bain d'urgence, il lui avait permis d'y aller. Il en avait profité pour sortir dehors et prendre un peu de cet air frais d'octobre, mais s'étonnait encore qu'il fasse si chaud, si près du Québec.

Il était sur le trottoir regardant sa maison payée par Tonina, décorée aux couleurs de l'Halloween.
Il avait passé l'après-midi au cinéma,  il revoyait quelques scènes dans sa tête, il trouvait sa maison jolie. Comme il ne l'avait jamais choisie il n'avait jamais pensé la trouver bel...
BANG! 

Une partie de la maison explosa. Le bol de toilette, dynamité. Le petit diable...Tonina...

Nigga ne serait jamais tranquille.
Jamais tranquille.
Jamais propre.

Les tentacules de Tonina étaient interminables.
Sa griffe longue.


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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)