Dans le film Amour de Micheal Haneke, maginifiquement joué par Emmanuelle Riva, Jean-Louis Trintingnant et Isabelle Huppert, une fille (Huppert) appelle son père (Trintignant) afin de s'enquérir sur l'état de santé de sa mère (Riva) dont l'état se détériore. Celui-ci ne décroche pas le téléphone et ne répond pas à ses messages. Silence radio. La fille panique et se pointe à la maison.
À juste raison.
Trintignant réagit mal et offre cette ligne comme explication, une ligne aussi magnifique et légitime que cruelle:
"Je n'ai absolument pas le temps ni la force, ni l'envie de gérer vos inquiétudes"
C'est vrai que dans ce film, le personnage de Trintignant se démène comme bien peu en sont capables sur terre jusqu'à s'en épuiser moralement. Cette manière de répondre à sa fille démontre que mentalement, il est au bout du rouleau.
J'ai un ami, presqu'un frère, dont l'amoureuse subit de très sérieux traitements contre le Cancer, Cancer qui se sent trop confortable en elle. Leur vie en est 100% chavirée. Elle se bat avec un courage excessivement admirable. On en est tous soufflés. Afin de ne pas répéter les mêmes choses à trop de monde tout le temps, elle a eu l'idée de se faire une page Facebook qui détaille chaque étape de ses traitements et elle disperse ses états d'âmes avec un humour toujours plus charmant considérant l'affreuse, voire ignoble et injuste situation dans laquelle elle se trouve.
Derrière cette bagarreuse (qui a dû s'improviser bagarreuse en premier lieu) se trouve aussi son chum, un frère, je vous dis, et leurs deux jeunes enfants. Il n'est pas du genre à parler d'emblée de choses sérieuses comme l'épreuve qui les accable et on va d'abord se traiter d'olibrius gratuitement et de toute les manières possibles avant de se parler de choses aussi lourdes.
C'est peut-être aussi simplement la voie masculine de la communication.
Comme la vie ne veut pas être simple autour de lui, le père de cet ami, est atteint de la maladie d'Alzheimer. Une maladie tout aussi merdique. On surf sur le sujet sans jamais y nager complètement. Et si c'est comme ça qu'il veut gérer tout ça, tant mieux, je n'insiste pas. J'ai connu le contraire d'une longue maladie avec mon père qui est parti aussi rapidement qu'il a vécu.
Je m'informe sur l'état de son père parce que je m'inquiète parfois pour lui. Pour eux.
Et j'ai les perceptions qui se transforment.
Cette famille est intensément transformée par la force des choses. Par les forces du mal.
D'une part il y a celle sous son toit, la mère de ses enfants, l'amoureuse, celle qui dort à ses côtés qui se bat contre cette sale maladie et de l'autre son propre père qui se détériore au faîte de sa vie.
Pour moins que ça, je ne dors pas.
Je les admire tous les deux dans leurs multiples combats.
La gestion du quotidien doit être parfois nettement teintée de glauques moments de noirceur.
Qu'ils repoussent (de notre point de vue) avec beaucoup de maturité.
Toutefois notre perception du quotidien à nous, leur entourage, est aussi changée.
Comme celui du personnage d'Isabelle Huppert dans le film d'Haneke.
J'ai eu un moment Huppert.
L'autre tantôt, j'ai posé une question toute simple à cet ami via courriel. Nous le faisons continuellement entre 4 ou 5 amis, nous ne nous demandons même plus comment ça va, comme nous sommes toujours devant nos machines à pianoter, on s'écrit directement comme si c'était des textos
"pis? dekessé?"
et ces deux mots (qui n'en sont pas) sont à eux seuls les mots Salut, j'espère que tu va bien, quoi de neuf?, qu'est-ce que tu faisais de bon? qu'est-ce qui te fais chier these days? What's up, you dumb fuck? etc.
Généralement, comme il est par obligation professionnelle toujours cloué à son ordi, il me répond assez rapidement. Ou le fait-il vraiment? rapidement? Notre perception devient dérangée, je vous dis. Son silence de 36 heures sur une question simple m'a beaucoup inquiété. J'ai pensé au pire pour son père. J'ai eu peur pour sa douce. Je sombrais dans la paranoïa idiote. Quand je l'ai appelé par la suite, il m'a confirmé que oui, il avait reçu mon courriel et il a répondu de vive voix à mes questions d'abruti. Sans plus d'explications sur la lenteur de retour de courriel.
(Je les réveillais avec mes conneries en plus!)
Mon rythme n'est pas le sien.
Et je ne lui ai pas fait part de mes inquiétudes parce qu'il n'a pas à gérer MES inquiétudes.
Il doit en avoir des tonnes à faire à négocier avec les siennes. Les leurs.
Je ne suis qu'une graine dans sa liste de priorité et c'est normal.
(...)
Il sera le premier à me souligner le caractère homosexuel de cette dernière ligne...
Quand je pense à eux je suis victime de Transatlatisme ces temps-ci.
C'est à dire à la portion entre 3:02 et 6:15.
Des mots justes que sur de la belle musique,
un espace sonore où on travaillerait la bête pour finalement la vaincre,
puis les mêmes mots pour faire bonne mesure et donner le frisson.
Morceau me fait du bien chaque fois.
Particulièrement à 5:48.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)