Ayako et Ryo étaient passés de leur milieu rural à la grande ville.
Aveuglante était la grande ville de Tokyo avec son déluge de lumière la nuit.
"Mais vivez alors de jour, jeunes gens!" leur disaient leurs amis.
Facile à dire pour celui ou celle dont le logement ne se situait pas au-dessus d'un parloir de pachinko.
Croisement entre une machine à boule et la machine à sous, le jeu du pachinko est un jeu où le participant achète des billes en métal qu'il devra insérer dans les machines. Les billes tombent alors sur une surface de jeu verticale cloutée. Les billes circulent souvent pour rien et s'engouffrent dans un trou, mais quand tout va bien, les billes activent un jeu de roulette qui doit faire paraître trois logos identiques. Si tel est le cas, le joueur gagne plus de billes encore et à la toute fin, si il lui reste encore des billes, il peut les échanger contre un prix au comptoir. Les jeux de hasard faisant gagner de l'argent sont interdits au Japon, mais très souvent, on peut échanger ses billes contre de l'argent liquide dans des centres à proximité des parloirs de pachinkos, des centre contrôlés par une certaine mafia japonaise (tolérée par les autorités puisqu'aucune arrestation n'a jamais été faites à ce niveau).
Ayako & Ryo vivaient dans ce tout petit logement au-dessus d'un parloir de pachinko au coeur de Tokyo et la nuit, le bruit était incessant. Ils en profitaient pour faire l'amour, écouter la télé, sortir, jouer eux-même au pachinko.
Si Ayako aimait beaucoup la ville et s'y découvrait elle-même plus belle avec les semaines qui passaient, Ryo pour sa part en souffrait. Il s'isolait de plus en plus et se renfermait sur lui-même. Comme si le bruit, les immeubles, les foules, l'étouffaient peu à peu. Il avait proposé à Ayako un retour en milieu rural, ce qu'elle avait refusé. Plutôt que de la quitter et de refaire sa vie avec une autre ailleurs, Ryo avait choisi de rester avec elle. Par peur de la solitude mais aussi par jalousie. Ayako était sienne. Et de l'imaginer avec un autre le rendait malade.
Tokyo avait un effet malsain sur Ryo, mais il ne s'en rendait pas compte complètement encore.
Plus Ayako s'éclatait, plus Ryo s'effaçait.
Peu à peu se plantait un mur entre eux deux.
Peu à peu il y avait soleil et nuit, silence et bruit.
Ayako, était si attirée par le bruit qu'elle s'était dénichée un job de danseuses acrobatique dans un restaurant-bar, le Mr Roboto. Dans la cacophonie des soirées de souper musicaux, elle effectuait des chorégraphies en compagnie d'autres danseuses sur des airs internationaux. Se suspendant au plafond en clôture de numéro pour le plus grand plaisir du public principalement mâle.
Ryo, broyait de plus en plus de noir, seul à l'appartement. Il travaillait comme concepteur graphique sur son ordinateur et passait le plus clair de son temps face à celui-ci. Tentant d'oublier que son amour se donnait en spectacle devant des inconnus, presque nue.
Il se consolait quand tard dans la nuit, elle rentrait à la maison, que dans les bruits de joueurs de pachinko plus bas se mêlait ses cris à elle lorsqu'il la prenait pour lui faire l'amour et lui faire oublier les hommes qui la désiraient au resto-bar. Ryo se consolait en se disant que comme ça, il la faisait sienne.
Au contraire, Ayako imaginait au lit un autre homme vu en soirée ou une star de la télé pour s'émoustiller avec Ryo. Il était de plus en plus mort pour elle.
Mais elle se sentait incapable de le quitter. Ryo était un peu sa création et elle était aussi grandement la sienne.
Même si elle prenait racine dans la ville, alors qu'il devenait beige.
Un soir d'été où les astres s'étaient effondrés pour former une ménagerie aveuglante de soleil qui, par amour, formait des caniches sur les terres neuves de l'immensité, Ayako revint à l'appartement, le coeur encore plein de vivaces et les jambes enracinées dans une ville qu'elle ne cesserait jamais d'aimer.
Elle monta les escalier affreusement difficilement jusqu'à l'appartement. Elle ouvrit la porte pour découvrir que Ryo était devenu une partie du mur de brique du salon. Elle se demandait encore si c'était une bonne nouvelle puisque cela voulait peut-être dire qu'il s'enracinait enfin lui aussi en ville ou bien si c'était parce qu'il était devenu si ennuyant et longeant les murs que les murs l'avaient recrutés parmi eux, quand elle s'aperçut soudainement dans le miroir.
Ayako était devenue une plante.
Après quelques heures de réflexion elle en vint à la conclusion que:
a) Elle était bien vivante
b) Ryo était bien mort.
Des bruits incessants de Pachinko reprirent de plus belle.
Ayako aurait bientôt besoin d'eau.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)