Personne ne s'était jamais occupé de lui.
Maintenant c'était le contraire, tout le monde le faisait.
Le gouvernement, nous tous contribuables, nous lui payions un certain montant, puisqu'il vivait du bien-être social.
Il mangeait peu.
Et mal.
Un McDo de temps à autres mais pas trop car il était conscient qu'il puait et que les gens autour s'en trouvait incommodés. Il avait tout de l'indésirable mais ne faisait pas exprès non plus pour provoquer. Pas tout le temps en tout cas. Par cycle seulement. De la bouette dans vos beaux pare-brises, ça se lave, raisonnait-il.
Quand il se rendait au McDo, il avait envie de confrontation. De mettre les simples citoyens le nez dans la merde qu'il était. Il était tout de même au McDonald, un McDonald de banlieue, puant, avec tous les attributs du nécessiteux
Ça en faisait des couches de merdes, ça.
Il avait une barbe malpropre et avait toujours l'air déguenillé. Il avait l'air et la chanson du clochard. Appelons-le Aqualung.
On ne savait trop si Aqualung buvait. Le festival d'odeurs qu'il dégageait si naturellement ne le laissait pas deviner. Il était peu approchable dans toute se présentation.
Il était facile à repérer dans les rues car il faisait tout à pied. On le voyait marcher et on ne pouvait pas le manquer avec sa tête de Méo dans Elvis Gratton. De plus, il boitait terriblement, traînant une jambe comme si l'une était nettement plus longue que l'autre.
Notre quartier avait appris à vivre sans trop s'en faire avec Aqualung. En tout cas pas nous. Je suis convaincu que mes voisins (voisines surtout) italiens faisaient déjà de la médisance sur son cas, mais, ayant vécu au coeur de Montréal plusieurs années, voilà là un personnage, rare en banlieue c'est vrai, qui n'allait rien changer à nos vies.
Ce n'est pas parce qu'il portait le costume qu'il allait nécessairement faire le moine.
Nous nous trompions.
Et effectivement, il serait moins sage qu'un moine.
Aqualung, on aurait pu le croire à sa tenue, n'était pas un sans-abri. Il avait déniché un sous-sol, logis devenu aussi crotté que lui-même. Les co-habitants de ce même building s'étaient plaints à maintes reprises des odeurs qui émanaient de son appartement. Ils s'étaient aussi plaints des sautes d'humeurs d'Aqualung qui ne paraissait pas parfaitement équilibré par moments.
Bref, il faisait peur.
Mais si il était en société, c'est qu'il était apte à y vivre non?
Il est à la limite suivi, pensaient certains.
Le propriétaire de l'immeuble de plusieurs logements avaient eu à composer avec plusieurs retards de paiement de loyer de la part d'Aqualung. De plus, la négligence avec laquelle il s'occupait de cet appartement inquiétant sérieusement ce même propriétaire. Quand les plaintes des autres occupants se sont multipliées, s'en fût assez, le proprio a dû annoncer qu'Aqualung devrait partir et se trouver un nouveau logement.
Ce dernier était entré dans un tel excès de rage qu'il avait menacé le proprio avec un couteau. Lui tenant tête, le proprio était resté ferme et l'avait semé de quitter au plus tard le 1er avril. Il ne porterait pas plainte à la police pour la menace au couteau tant qu'Aqualung plierait bagage le 1er avril.
Ce qu'Aqualung ne fît pas. Le proprio lui fît une nouvelle visite et les cris fusèrent à nouveau. Cette fois quelques voisins s'en mêlèrent aussi. Mais au bout du compte, Aqualung passerait une nouvelle nuit dans son appartement devenu miteux.
Le lendemain, vers 13h30, la fumée se dégageait du toit de l'immeuble à logements. Puis la fumée blanche devînt noire. Il y eût 5 alertes.
Vers 22h30 en soirée, les pompiers arrosaient encore le brasier. Les flammes, parties du sous-sol, avaient maintenant grimpées jusqu'au quatrième étage qui ne présentait plus qu'une charpente. L'incendie ne fît aucun mort, mais 75 familles se sont retrouvées à la rue. Dont celle de la jeune Tari, 10 ans, copine de ma fille, Punkee. Tari allait pleurer quand la direction de l'école primaire qu'elles fréquentent toutes les deux, avec le tact d'un éléphant dans un magasin de porcelaine, allait dire platement à l'intercom "y a-t-il des élèves dans la classe qui habitent au XXXX rue FXgXn?". Quand Tari répondit que oui, elle, et leur ami Gabriel, absent ce jour-là parce que malade, l'intercom, comme dans un script de Réjean Tremblay a simplement dit "ta maison est en feu en ce moment" (!?!) semant la panique dans la classe, spécialement vis-à-vis de Gabriel qui était probablement sur place en ce moment même.
Gabriel est sain et sauf. Il n'a rien.
Sa famille non plus, n'a plus rien.
Tout a brûlé.
Aqualung a tout fait brûler pour se venger de l'immeuble,de son proprio et de ses habitants.
Il s'est du même coup magasiné un nouvel appartement, carcéral celui-là.
Où on s'occupera encore de lui.
Sale merde.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)