Nous avions cette vue de Montréal, blondinette jeune fille aux cheveux anciennement longs, dans la voiture juchée sur le Mont-Royal. Nous avions pour but de passer la nuit, ou une bonne partie de la nuit à observer la ville la nuit, notre ville la nuit. Pour voir l'effet que ça ferait pour notre tournage gothique. Ça ferait de la belle photo dans notre caméra? Et la lumière?
Elle serait comme celle de tes yeux, la lumière? J'étais le plus jeune des scénaristes de notre cohorte, tu étais la plus jeune réalisatrice, la plus jeune toute catégorie confondue de toute façon. L'alliance avait semblé naturelle. Tu étais fraîche issue de l'école secondaire où tu y avais fréquenté que des filles. Tu ne savais point ce que c'était que de faire équipe avec un gars. Voilà peut-être pourquoi tombais-tu un peu naïvement en amour avec moi. Tout nous séparait. La fille déjà dans mon lit entre autre. Ton corps trop frêle rappelant celui d'une enfant. Mon attitude impatiente et snobinarde quand tu me citais des films que je trouvais nuls comme étant tes films préférés. Tes cheveux coupés courts qui m'ont coupé toute forme de désir, si pointe de désir il y avait eu. Blanche vampire, tu avais de jolis traits. Un oeil azur qui rappelait le bébé que tu avais été. L'enfant que tu étais.
Nous regardions la ville. Nous déconnions. Même pas le luxe de boire car nous reprenions le volant plus tard. Vers 4h, 5h du matin. Faisant une jalouse sous mon toit. Tu avais apporté des cartes de questions sur le cinéma. J'avais toutes les bonnes réponses, ça t'insultais. Tu avais 1000 fois plus envie de t'amuser que moi. Tu étais animée de la gaminerie de la jeune fille de 18 ans que tu étais. j'en avais 25. Juste ça, rendait une relation entre nous impossible. Je réalisais que de toutes les copines que j'avais eu, jamais je n'avais eu de partenaires plus jeunes que moi de plus de 2 ans. Bien souvent elles étaient même légèrement plus vieilles, un an, deux max. Une idylle de deux soirs avec une prof de Cegep quand j'avais 17 ans et elle 33 ou 34, oui, mais c'était con. Et c'était rien. Tout juste du bouche à bouche. Et présenté de sa part comme étant la manière d'embrasser F. dans la pièce de théâtre qu'elle nous enseignait. Habile. Quand cette enseignante m'avait invité à coucher chez elle, j'avais dit non. Principalement parce que je ne savais pas comment justifier ça à mes parents. Mais aussi parce qu'elle n'était pas tellement désirable. Si elle avait eu les atouts d'Isabelle Huppert, j'en aurais fait une criminelle, c'est certain.
Mais revenons à toi, que j'avais promis de dévergonder (et à ta demande!) en te rappelant ton retard sur les interactions hommes-femmes en raison de ton passage scolaire exclusivement dans le ghetto des filles. Je t'avais d'abord débaptisée de ton nom jugé trop commun (par toi-même d'ailleurs). Une artiste doit avoir du panache. Irais-tu, aujourd'hui, voir un film portant ton nom? Tu avais répondu par la négative. Tu serais donc Scarlett. Un prénom gothique, baroque aussi. Tu avais beaucoup aimé. Je t'avais charmé bien malgré moi et tu en aurais voulu davantage, mais j'avais posé les freins. Frêle Scarlett, c'est à un autre qu'il faudrait que tu demandes de te briser le cœur.
Dans les voitures voisines sur le Mont-Royal ça ne se gênait pas pour baiser. La buée voilait les va-et-viens et le oumpf! des ébats, mais les tests de suspension sur une voiture stationnée trahissaient tout. On y pratiquait la création de bébés. À gauche comme à droite. Tes joues blanches avaient rougi. Souhaitais-tu la même chose? naaaaaaaaa....Ma Micra n'aurait pas tenue...
Dans notre projet de documentaire, nous avions choisi comme personnage un jeune gothique, vivant de nuit, nous l'avions tourné dans le cimetière de la Côte Sainte-Catherine. Notre sujet faisait aussi de la musique. Tu jouais du violoncelle. Ça l'avait séduit. Il avait beaucoup insisté pour que tu te joignes à son band, ne serais-ce que le temps d'un spectacle. Et de deux morceaux. Ce band était si loin de ton air de sage petite fille. Tu dormais encore dans les toutous. Tu avais dit oui, ne fallait-il pas que tu deviennes une starlette, Scarlett?
Le soir du spectacle aux Foufounes, une jeune fille en mini jupe en cuir et juchée sur des souliers qui la grandissait de 13 pouces, toute en noire, maquillage inclus, avait lu des passages de poésie sur la musique d'intro. Elle transpirait le gothisme, comme le band qui allait suivre. Tu apparaissais au troisième morceau, belle comme jamais tu ne l'avais étée, dévergondée parce qu'en robe. Longue, puisqu'un violoncelle entre les cuisses pourrait devenir impudique face au public, mais en robe tout de même. Jamais avant, ni une seule fois après, je ne t'ai vue en robe ou en jupe. La tunique de l'école de filles fait cet effet à certaines donzelles. Je savais que tu étais l'une d'elles.
On t'avait bien entendu mise à côté de la démone noir, dans le rôle que ton corps criait de jouer, celui de l'ange...mais moulée dans une robe longue rosée. Comme si l'ange saignait. Ton rouge à lèvres était écarlate. Tu donnais l'impression d'avoir goûté un cou bien gras. Là je l'avoue, je t'ai désirée. Mais c'était parce que je suis vampire. Mais je savais aussi que notre sujet de documentaire, le baseman du band, avait beaucoup envie de toi. Et ce, même si il baisait déjà la lectrice de poèmes. La réalisatrice que tu avais été l'avait filmé dans son intimité, il devait maintenant te conquérir. Ainsi résonnait-il. Et tu le repousserais. Poliment. Comme je t'avais freinée, en gentleman.
Mais je n'avais pas envie de te donner mes scénarios. J'en avais pourtant écrit facilement 25.
Tu n'as pas changé ton nom.
Je l'ai vu au générique d'un très bon film de chez nous une nuit.
Tu fais ce que tu aimes
J'espère qu'on t'aimes à ta juste valeur en retour.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)