Chris Kyle était un tireur d'élite qui avait publié un livre 8 mois après la mort de Ben Laden. Pas n'importe quel tireur d'élite, un super tireur d'élite, dont la vie sera prochainement tournée à Hollywood puisque Steven Spielberg s'est emparé de son histoire.
Eddie Routh, tout comme Kyle était aussi un soldat, frappé par le syndrome post-traumatique de la guerre, syndrome qui les anéantira tous les deux.
Chris Kyle était si bon tireur qu'il faisait plus de prouesses au fusil en une seule journée qu'un tireur d'élite professionnel du FBI le ferait dans toute sa carrière. Grand gaillard, blond, afable, bon vivant, très républicain, très à droite donc, très croyant aussi, rebelle aussi à sa façon. Il aimait entre autre transgresser les codes vestimentaires de l'armée. Se tailler les manches pour avoir les biceps dévoilés. Avoir sa casquette vissée à l'envers sur sa tête quand tout le monde portait le casque. Mais tel un gardien de but super-vedette d'un club de hockey, on ne lui tenait pas rigueur de ces quelques caprices, il était le meilleur de sa gang et ça lui donnait droit à quelques passes droit. Patient comme tireur, il l'était beaucoup moins dans la vie, se considérant comme un mélange brut de justicier et de bourreau.
À Ramadi, il avait tué d'une seule balle deux insurgés à motocyclette et il se faisait fier coq de ce fait d'armes. Ceci n'était pas passé inaperçu de l'autre côté non plus puisque sa tête avait été mise à prix en Irak et on offrait 20 000$ à quiconque l'assasinerait, on l'avait même baptisé Le Diable de Ramadi tellement sa légende précédait son équipe.
Malgré les exploits militaires, il a également assisté à l'horreur avec quelques têtes explosées d'une ou plusieurs balles alors qu'il est en pleine discussion avec la victime ou encore son coéquipier criblé de balles alors qu'il se tient à ses côtés. Avec le manque de sommeil et la fatigue qui s'en suit, il s'en culpabilisera beaucoup et les images lui resteront collées au cerveau. Il est alors plongé dans un présent éternel destructif mentalement. Sa fille en Amérique tombe au même moment malade et il revient donc aux États-Unis, non pas avant qu'un de ses bons amis ne saute sur une grenade et explose avec, pour sauver tout le monde autour.
Pour ces machines à tuer, le retour à la maison est extraordinairement désorientant, parfois plus que la zone de guerre en soi. Bertrand Travernier a fait un fabuleux film sur le sujet. Un homme hyper allumé en situation de guerre et mort n'importe où ailleurs. De la zone de combat au stationnement de centre commercial en banlieue, le choc est absolu. Pour 15% des soldats le syndrome de choc post-traumatique apparaît beaucoup plus clairement au retour. Les réflexes de survie adoptés en zone de guerre ne correspondent pas aux codes de la vie ordinaire du citoyen moyen d'Amérique. L'ajustement n'est pas que mental, il est aussi physique.
La culture du tireur d'élite, du gars de droite, du bon républicain est de ne jamais montrer de "faiblesses". Bien qu'ils soient théoriquement entrainés afin de supporter de voir une tête éclatée sous leurs yeux, quand ça arrive pour vrai, c'est une toute autre histoire. La proximité avec l'horreur pour les tireurs d'élite les fait scruter l'intimité de leurs victimes, avant, pendant et après les avoir abbatues.
L'être humain n'est pas construit pour être imperméable à cette horreur-là.
Insomnies, flashbacks, comportement inadéquats, sa femme lui posera un ultimatum: c'est moi ou la guerre. Kyle quitte alors l'armée et s'implique beaucoup dans le suivi accordé aux soldats en choc post-traumatiques. Toutefois ses démons vont le rattraper. Il tâte beaucoup de la bouteille, fait un grave accident, saoûl au volant, et devient de plus en plus mythomane prétendant que lors de l'ouragan Katrina, il était sur le toit du Superdome à tirer des pilleurs de la Nouvelle-Orléans (not true) ou encore qu'il a pété la gueule à l'ancien lutteur et ancien gouverneur Jesse Ventura (not true), bref, tout ne va pas hyper bien dans la tête du pauvre Chris Kyle. La perte de contact avec la réalité est totale, malgré le grand succès de son livre. Le profit des ventes sera d'ailleurs versé aux familles de soldats bléssés/traumatisés au combat en Irak et en Afghanistan.
Il oeuvre toujours comme présence rassurante et guide pour soldats en choc post-traumatique quand il croise la route d'Eddie Ray Routh.
Routh est un soldat de 25 ans, il a été déployé en Irak et a été consterné par ce qu'il a vécu là-bas. La torture des prisonniers entre autre le bouleverse profondémment. L'histoire n'est pas claire mais il semble aussi qu'il ait peut-être tué un enfant irakien, geste qui le hantera grandement. À son retour en Amréique en 2009, il est transformé, il a peur des feux d'artifices, des voitures qui font du bruit, il s'enferme longuement dans des pièces, seul. Il sera déployé en Haïti et aura comme tâche d'empiler des cadavres ce qui rajoute une couche de traumatisme à cet être déjà fragilisé. Sa mère reconnait le corps mais plus l'enfant. Il a des crises de panique, devient paranoïaque, éprouve de la colère dans des moments inusités, se trouve des maladies imaginaires. Il croit aussi que le gouvernement veut sa mort.
L'armée est pathétique dans le suivi accordée au soldat Routh se contentant de le médicamenter, ce qui ne fonctionne pas du tout, il s'enlise davantage.
Découragée, la mère de Routh l'envoie entre les mains de Chris Kyle. Kyle, a l'impression que de faire une sortie de "Boyz", une longue virée culminant dans un champs de tir où il pourront se défouler au fusil dans les champs, est la chose à faire. Ne serais-ce que pour mieux se connaître et établir un lien. Toutefois l'un des premiers symptômes de la dépression, du choc post-traumatique est la perte totale de confiance. Et Routh, visiblement ne fait pas confiance à Kyle. À 15h ils sont au champs de tir, à 17h, on trouve le cadavre de Chris Kyle, criblé de balles.
Routh se rend chez sa soeur et lui confesse que c'était probablement le seul moyen de s'armer contre lui-même. Être arrêté en envoyé en prison, encadré, lui paraît une bonne protection.
Le soutien psychologique des soldats de retour à la vie civile n'est pas armé pour les prendre en charge.
Le danger d'ostraciser tous ceux qui, bien que traumatisés, s'en sortiront est réel.
Une chose semble claire toutefois:
On ne guérit pas avec les armes.
Ça se passait aujourd'hui il y a 5 mois.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)