J'aime le ciment. Ne me demandez pas pourquoi, je ne le sais pas. Je le foulais rue Jean-Brillant.
La neige s'était poussée pendant qu'on était au chaud.
J'avais sous la main un livre de JG Ballard usagé et en format poche payé deux maigres orignaux. Je me dirigeais vers mon cours poche du lundi soir. Bronzé de 9 doigts. Sans panache.
À l'entrée du pavillon universitaire, une bonne cinquantaine d'étudiants qui avaient tous en commun d'avoir entre 18 et 25 ans. Au milieu de ce rassemblement deux bonnes dizaines de grosses caisses pleines de...Vodka...Tequila...Gin... mon instinct naturel m'a fait ralentir mon pas.
J'ai identifié une jeune femme au regard convaincu de quelque chose et qui marchait du même pas vers moi. Elle a terminé sa déterminée marche comme on freinerait brusquement à l'arrêt d'un feu de circulation jaune orange foncé et s'est fouillé dans les poches pour y trouver une cigarette. J'ai forcé son regard vers moi.
"Dekessé?" ai-je baragouiné éructant toute mon éducation en une seule onomatopée. Elle m'a regardé comme on regarde un clochard défraichi.
"M'as tu parlé?" m'a-t-elle dit faisant bondir un clou de cercueil à sa bouche.
"Oui, c'est quoi tout ça?"
Elle a attendu avant de me répondre, prenant le temps d'allumer sa cigarette et d'analyser s'y je valais la peine d'être répondu. Dégageant une pouffée de fumée en ma direction elle a ajouté:
"j'sais pas...je suis juste venue voir".
"...pis fumer" ai-je conclu pour elle. Elle a pris ce rajout comme une commande. Elle a légèrement sursauté:
"Oh! t'en veux une?"
"Non, merci, j'ai choisi une mort différente"
Elle a sourit comme on sourit à un vieux qui veut vous faire la morale. Un sourire de gamine qui se prépare à faire un mauvais coup.
"T'es italien?" m'a-t-elle demandé comme si ça validerait notre droit à la conversation.
"Non, pourquoi?"
"Oh, parce que t'as le teint rital, moi c'est Monica"
"Moi Brutus" ai-je menti, je ne sais même pas pourquoi.
"Brutus?"
"Brutus Barbier"
"Ah...et tu fais quoi ici?, Brutus"
"Je cherche une manière subtile de voler une bouteille de gin"
"Impossible, y a beaucoup trop de monde"
Nous sommes restés silencieux, elle, les poumons enfumées, moi, les yeux vers les caisses de gin. J'ai brisé le silence.
"Difficile d'accorder une crédibilité à la pauvreté des étudiants quand on voit ici sur le béton, un peu plus que le coût d'une session en boisson pour...pourquoi donc?..."
"...Choisir sa mort..."a-t-elle complété.
J'ai souri. Elle avait identifié ma mort future, ma foi.
Mon foie.
Faisait froid cette fois.
"Peut-être sont-ils en train de se réunir pour le festival éternel de la manif sans parcours?" dit-elle
"...font pitié ses larrons avec leur bourbon..." ai-je soufflé.
J'ai regardé autour de moi. Soudainement j'étais amoureux de l'architecture des environs. J'ai toujours aimé le bitume et là, en ce moment même, avec l'éclairage magique de fin de journée, il semblait que c'était le béton de la rue Jean-Brillant qui m'envoyait de l'amour.
Comme si une semaine au sable de ma part avait été tricher la ville que j'aime tant.
Étrange feeling.
Et à jeun.
Quand j'ai cessé de zoner dans ma errance mentale, la fumeuse n'y était plus.
Une bouteille de gin dans une caisse était aussi manquante.
Et personne ne m'avait vu la mettre dans mon sac.
Le clochard en moi avait appuyé sur le bouton "refresh".
Tout ce rhum la semaine dernière...fallait laver tout ça.
Ce sont des étudiants dispersés sur le pavé qui à ce niveau m'auront aidé.
Mon cours du lundi soir n'était pas mal pour une fois.
Avec une paille...
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
Certaines Conditions S'Appliquent:
Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)