(à Genny D.)
Décembre 2004. Peut-être 2005. Passé 25 ans, les années s'entremêlent.
Trent Lachance travaillait dans le demi sous-sol de l'entreprise Aurélien & Frères. Il s'occupait des colis qui quittaient l'entreprise. Gaïa, la nouvelle employée depuis octobre, s'occupait pour sa part du matériel qui entraient dans l'entreprise de décorations d'intérieur. Comme c'était entre Noël et le jour de l'an, Lachance et Gaïa étaient tous deux très occupés. Tous les employés de chez Aurélien & Frères étaient sur le qui-vive.
Lachance, légèrement plus expérimenté avec ce type de "rush" du temps des fêtes, avait réussi à mettre le plus gros de son travail derrière lui. Tout était parti à temps pour que les matériaux arrivent avant le jour de Noël. Il y avait une légère baisse de régime dans le stock qui quittait l'entreprise et de son bureau, il avait une vue directe sur Gaïa qui s'activait devant lui.
Elle était belle la petite abeille qui s'agitait. À plusieurs reprises, il s'était surpris à la dévisager à l'ouvrage. Une belle jeune fille de si petite taille s'attaquer quelques fois à de si grosses boites, il n'avait pu s'empêcher de temps à autres de se porter à son secours pour déplacer ou s'occuper de certains matériels lourds. Il n'avait pas voulu s'imposer en machiste et lui avait demandé chaque fois poliment et elle avait chaque fois accepté; davantage parce qu'elle était débordée et aurait certes accepté l'aide d'un assistant et non parce qu'elle n'aurait pas pu faire le job.
C'est en l'aidant ainsi qu'ils avaient commencé à se jaser. Son beau regard sombre plaisait à Lachance. Elle, elle aimait sa carrure, son humour, sa voix. Très vite, ils se sont plu. Gaïa avait un amoureux, Guillaume. Un pianiste continuellement en tournée. Elle s'était confessé à Lachance sur le fait que son Guillaume ne semblait pas lui accorder beaucoup d'attention. Particulièrement quand il était en spectacle où il n'avait de yeux que pour les filles anonymes dans l'assistance. Gaïa se demandait si elle était en mesure de gérer ce type de ménage à trois entre elle, Guillaume et son public.
Lachance, dans l'hiver froid de Montréal, lui avait servi de taxi à trois reprises en voiture. La première fois, ils étaient allé prendre un verre dans le quartier où elle habitait. La seconde, ils avaient été mangé au restaurant ensemble, se perdant trois fois sur la route dans une tempête. Riant beaucoup. Finalement il l'avait invité chez elle et ils avaient pris une bière, peut-être deux, ils étaient ivres de quelque chose ce soir-là en tout cas parce que Lachance lui avait dit "qu'il ne savait pas si Guillaume méritait ce qui allait se passer" avant d'embrasser Gaïa, de la prendre dans ses bras et de la monter à l'étage.
Magie dans le bleu de la neige de nuit en décembre.
Comme si ils avaient voulu préserver ce moment parfait à deux, ils avaient fait comme si il n'avait jamais existé dans les jours qui ont suivi. Se contentant de se sourire, complices, et de se faire de gentilles attentions au travail. Lachance se sentait un peu crotté de faire l'imposteur dans une relation déjà sur les rails et Gaïa retournait à son Guillaume sans lui confesser quoi que ce soit sur son infidélité.
Mais avant février, Gaïa faisait tomber une bombe dans les oreilles de Trent.
"Tu sais j'attends des jumeaux"
"Guillaume, il est au courant?"
"Pour l'instant je ne lui ai encore rien dit"
"Pourquoi?"
"Parce qu'ils sont de toi"
Et maintenant qu'est-ce qu'on fait?
Dans les jours fous de février, elle avait aussi dit à Guillaume, bien que c'était faux, que les jumeaux étaient de lui. Il avait tant flippé qu'il était retourné vivre chez ses parents. Inutile de dire qu'il ne voulait rien entendre sur la chose. Trent Lachance ne savait plus quoi faire. Bien entendu il lui avait proposé de s'occuper d'elle et des bébés dans 9 mois. Mais il ne pouvait gérer la portion "Guillaume" à la place de Gaïa. Et comme Guillaume se croyait père des bébés, ça compliquait les choses. Terré chez sa famille, ceux-ci voulaient bien devenir grands-parents, "qu'il prenne ses responsablités" et que Gaïa et lui s'occupent comme il se doit des deux bébés à venir. Lachance n'existait en rien pour ces gens-là.
Gaïa vivait déjà une pression insupportable lorsque le docteur lui annonça que la grossesse ne se passerait pas comme prévu puisque les deux bébés "poussaient du mauvais bord du foetus" . Gaïa voudrait donc peut-être cesser la grossesse. Bien que cette situation convienne soudainement à Guillaume, il ne voulait en rien payer pour la cessation, ni même s'y impliquer. Ça faisait du sens pour Lachance car Gaïa et lui savaient que c'était Lachance le père et, secrètement c'est Lachance qui avait finalement tout payé. Pour Guillaume, Gaïa avait caché ce "don providentiel" sous la fausse identité d'un oncle inexistant.
C'est Lachance qui l'avait accompagné au centre d'interruption de grossesse mais quand Guillaume c'était finalement aussi pointé, Lachance, se présentant comme un simple collègue de travail à Guillaume, s'était retiré.
Jusqu'à la toute fin, ça avait été un secret d'hiver d'enfer.
Gaïa et lui avaient tout de même créé beaucoup plus qu'un lien.
Ils avaient partagé une portion d'éternité. An abortion of proximity.
Un parfum d'étrangeté avait encerclé Gaïa et Lachance au travail. Encore plus quand Guillaume avait fini par larguer Gaïa quelques jours après l'avortement.
Lachance finirait par quitter pour aller travailler ailleurs. Gaïa allait tomber en amour avec un autre homme, un ange, vivant deux nouvelles grossesses parfaites dans le futur.
Mais ces regards partagés en une semaine magique de décembre et trois d'enfer en février les avait scéllés en quelque chose de nouveau.
Une nouvelle mathématique passionnelle.
Une nouvelle définition du mot nous.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)