(À Éliane)
Dans la nuit du 31 décembre 1990 au 1er janvier 1991.
Pour le jour de l'an, Sandy allait prendre une bonne grosse cuite comme ses 18 ans le lui permettaient désormais.
Ses parents lui avaient laissé la voiture avec un léger pincement au coeur. Elle était maintenant majeure depuis à peine deux mois mais était-elle assez responsable pour ne pas boire et conduire à la fois? Un 31 décembre entre amis, ses parents savaient bien que l'alcool coulerait dans les gosiers. Sandy savait attirer les regards des jeunes hommes, elle se respectait suffisament pour ne pas se jeter entre les jambes du premier venu. Papa et maman le savaient, ils avaient confiance en elle, mais l'alcool est toujours la variable instable. Si elle craquait soudainement pour un beau garçon, si elle cédait à ses avances, si elle dansait sous les draps avec lui, si Sandy revenait avec un croissant dans le fourneau...Non il fallait faire confiance, il fallait laisser aller sa grande fille. C'était la toute première des trois enfants, c'était donc la première expérience pour papa et maman aussi. Inquiétude tout à fait normale diraient certains.
Mais ils auraient raison de lui avoir fait confiance. Sandy était une jeune fille intelligente.
Fêtant le passage au nouvel an en banlieue de Paris, à Clichy, chez Rémy, par un mois de décembre sans neige, Sandy avait bu des cafés cognac toute la soirée. Cédric lui plaisait beaucoup et elle avait discuté avec lui une bonne partie de la soirée. La plupart des gens sur place n'avaient pas l'âge pour consommer ce qu'ils consommaient et leurs comportements plus ou moins matures forcaient Sandy à rester en retrait. Pas qu'elle ne sut pas s'intégrer, au contraire, elle restait plutôt populaire, mais elle n'était pas du genre à se donner en spectacle. Boisson pas boisson. Nicolas faisait un tabac en multipliant les "santé!" et en parlant franchement trop fort. Ceci rendait Cédric encore plus intéressant puisqu'il était de tempéramment plus discret et semblait du coup plus raffiné. Sandy voulait du raffinement dans sa nouvelle vie de jeune adulte.
Elle avait beaucoup ri avec Christiane, Mélanie et Flore et Valérie lui avait presque tiré des larmes de rire avec son histoire de mec, convaincu de son sex-appeal mais qui n'avait rien à offrir.
Plus la soirée avançait, plus les garçons lui avaient souligné qu'elle était jolie. Chacun avait passé une bonne demie-heure à lui parler et chaque fois, Sandy avait senti que vers la fin de la conversation, on tentait de la séduire et de l'amener au lit. Elle en avait ri car, plus intelligente que la plupart des garçons sur place, et plus ajeun, elle avait réussi presque chaque fois à leur faire avouer qu'ils avaient des visées perverses à son égard. Elle avait toutefois multiplié les cafés cognac et ne pouvait donc pas se considérer complètement à jeun.
Donc, malgré le couvre-feu imposé par papa et maman, couvre-feu qui était réglé à 1 heure du matin, il était bien clair qu'elle ne serait jamais en mesure de l'atteindre. Elle avait bien tenté d'appeller ses parents par deux fois pour les en aviser mais l'appel était resté sans réponse chaque fois. Ses parents reçevaient des amis et dans le bruit n'auraient peut-être pas entendu les deux coups de téléphones. De toute façon, elle-même dans le bruit assourdissant, aurait-elle été en mesure de se faire comprendre? Par la suite, elle s'était laissé emporté par le flux de la soirée. Du flirt, de la danse, de plaisir, comme seul la jeunesse savait s'en offrir. Le décompte était passé et le téléphone avait été vachement occupé pour une bonne partie de la soirée. Les téléphones portables ne faisaient pas légion encore et l'idée d'appeler ses parents était tombée entre deux gorgés d'alcool. Le maquillage de certaines avait coulé, les masques d'autres étaient tombés.
Cédric lui plaisait tant ce soir là qu'elle l'aurait bien embrassé, peut-être même un peu plus . Mais elle ne voulait en rien précipiter quoi que ce soit. Elle savait trop bien que son jugement était altéré par l'alcool et qu'elle regretterait probablement toutes formes d'engagements physiques dès le lendemain matin. Non, le flirt lui convenait bien pour cette dernière journée de l'année. Une année qui l'aurait pas passer dans la majorité. Une année sans amoureux mais entourée de prétendants, une année où elle avait été en position de choisir mais qu'elle avait préféré consacrer entièrement à ses études de médecine. Une année couronnée de succès et qui ouvrait la porte toute grande à un brillant avenir. Ce serait bête de gâcher cette lancée avec des histoires de couchettes mal choisies. Ce serait plus bête encore de prendre le volant dans les conditions dans lesquelles elle se trouvait.
2H du matin passerait, 3H, puis 4H. La plupart ne quitterait pas les lieux. Ce qui ne l'aiderait en rien à ne pas voir 5H du matin arriver. C'est un jeune homme éméché qui la sortirais de ses rêveries, alors qu'elle discutait tendrement avec Cédric, un jeune homme qui avait choisi de chanter Dutronc et qui lui avait fait réaliser qu'il était si tard... ou si tôt...
Elle avait vite embrassé ses amis, Cédric compris, avec pudeur, et s'était embarquée dans la voiture, désormais apte à conduire dans Clichy déserté. Cédric lui avait offert de la raccompagner, ce qu'elle avait refusé. Imaginant ses parents paniqués peut-être à l'heure qu'il était maintenant.
Elle avait 45 minutes à rouler en temps normal avant d'arriver chez elle, mais s'accordait une heure afin de rien précipiter. Ses sens étaient-il vraiment tous bien aiguisés?
En arrivant chez elle, ce qu'elle redoutait arriva. Son père l'attendait dehors près de la porte du garage. Dans l'ombre. Accoté sur la paroi extérieur de l'allée qui menait au garage. Elle gara la voiture, ne se donnant même pas la peine de la rentrer dans le garage. Évita le regard de son père en se contentant de lui dire un rapide: "Bonne année papa, désolée pour le retard, tout va bien" tout en se dirigeant presqu'au pas de course dans la maison, puis dans sa chambre. Quel type d'exemple venait-elle de donner à son frère et à sa soeur plus jeunes? Si son père lui avait répondu, jamais elle ne s'en aperçu.
Quand le jour se pointa, la mère de Sandy vint la voir dans la cuisine. Sandy n'avait dormi que quelques heures mais était de relative bonne humeur. Elle s'attendait à un tonnerre de colère.
"Tu as vu ton père hier?" lui a demandé sa mère.
"Oui..." dit Sandy
"Quelle honte..." poursuivi sa mère.
Sandy se tût. Elle était gênée, devait-elle s'excuser?...Sa mère enchaîna aussitôt, la délivrant de sa culpabilité.
"Il s'est saoûlé comme rarement il l'a fait dans sa vie, un vrai poivrot...J'ai dû l'expulser de la maison avant la fin de la nuit..."
Si ça se trouve, la veille, le père de Sandy ne l'avait jamais vu rentrer à la maison.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)