jeudi 15 décembre 2011

La Colline Violette

The trouble with geraniums
is that they’re much too red!
The trouble with my toast is that
it’s far too full of bread.
The trouble with a diamond
is that it’s much too bright.
The same applies to fish and stars
and the electric light.
The troubles with the stars I see
lies in the way they fly.
The trouble with myself is all
self-centred in the eye.
The trouble with my looking-glass
is that it shows me, me;
there’s trouble in all sorts of things
where it should never be.

                                                   -Mervyn Peake

Natasha.

Mes parents m'ont donné un nom de cochonne. D'actrice porno. D'hôtesse de l'air en micro jupe. Comment pouvais-je ne pas mal tourner?

On me disait tellement jolie quand j'étais toute petite, comment devais-je faire pour ne pas le croire? On m'a toujours fait sentir que j'étais jolie. On m'a toujours fait sentir que c'était ma carte d'entrée dans les soirées, dans les discussions, dans à peu près toutes les situations. Entre garçons comme entre filles, on a toujours validé mes opinions, même quand je n'en avais pas. Simplement parce qu'on me trouvait belle. J'improvisais, selon mes instincts. Mais vivre d'instincts a ses limites.
Quand l'école secondaire m'est entrée dans le corps, (bien des choses me sont entrés dans le corps au secondaire), j'ai eu besoin des boucliers de quelques chevaliers pour esquiver tout ce qui passait à la vitesse de l'éclair. Plus jeune on me comparait à un ange. Dès que Jack est entré dans ma vie, Jack Daniels, introduit par mon premier chum, Jacques, dès que les Jack donc étaient dans ma vie, les cornes m'ont poussé. Enfin c'est ce qu'ils disent, moi je ne faisais que vivre selon les chemins qu'on me traçait. Parce que 9 fois sur 10, on je ne choisissais pas complètement, on me choisissait. J'avais quand même assez de jugement pour faire des tris, mais je m'organisais aussi pour toujours avoir ce que je voulais. J'avais des arguments. Deux sous la camisole, deux autres arguments bien galbés s'étirant sous la jupe, une tête à faire tourner celle des autres, des fesses toutes en fermeté, je savais me distinguer. Je vous l'ai dit, l'instinct est quelque fois limité. Ça dépend toujours comment on a été enligné.
Je suis issue d'une famille non existante. Une mère témoin de Jéhovah et un père si alcoolique qu'avant sa mort il ne se rappelait ni de son nom, ni de sa femme, ni qu'il était père d'une fille.
D'un ange. Biscornu. Bientôt nu.

Je pense à papa chaque fois que je bois. J'y pense donc souvent. Comme j'étais une erreur du pitcher je me suis dit pourquoi ne pas vivre comme une errante du pichet? Ce jeu de mot n'est pas de moi, il est d'Alexandre, un intellectuel avec lequel j'ai eu une brève liaison (ne le sont-elles pas toutes?) au CEGEP. Comme à la belle époque, il me semblait aller de soi que mon avenir passerait par celui du mec que je(qui) me choisirais(t) pour le long terme.
Je suis donc tombée dans les bars de Derek. Tout un mec. Que des pecs. Couverts d'une demie tonne de becs. Le plus beau couple du Québec. C'est pas moi qui le dit c'était le CEGEP. Dans un vox populi dans un 5 à 7. J'ai toujours été bonne dans le populi et dans le cul sec.

   Mais là où on s'est planté, Derek et moi, c'est-a-dire partout et par tous les bouts, c'est que lui pensait être un homme d'affaires. Et moi je me disais que je n'avais qu'un passage sur terre. Il a parti sa compagnie d'électronique et moi j'ai servi avant de monter sur scène. En dansant un peu, je me suis fait beaucoup de saoûls. Et beaucoup de sous.  C'est là la première fois que j'ai entendu que je tournais mal. Et pourtant fallait me voir avec un poteau j'avais tout un instinct, je tournais plus que bien. Demandez à tous mes réguliers.
Mais ce rythme de nuit ne pouvait pas durer. Et la compagnie de Derek était en train de couler. La marijuana on the side a commencé à circuler.
Et là on a refait le plein de blé. De quoi nous jalouser. Ce qui ne manquerait pas d'arriver.

J'ai cessé de danser, j'en avais assez. Derek est devenu un dealer. Un des meilleurs. Il m'a promis un bébé. J'en étais toute gênée. Moi qui n'avait pas été souhaitée étais-ce ce que je voulais aussi porter?
Par un soir de décembre il s'est fait descendre. Je me suis retrouvée seule comme un quartier de viande. En fait pas complètement, ceux qui l'on tiré m'ont comme adoptée. Maintenant je bosse pour eux. J'ai même pas pleuré, c'était tant mieux. Je fréquente le Grand Prix, les galas de boxe, je suis partout sur les réseaux sociaux et on me trouve encore très chouette.

Je suis la reine de la Colline Violette.

Je pense des fois à cette promesse de bébé.
Mais il y aurait tant de potentiels pères que je m'en trouve toujours un peu découragée.
Je ne m'en fais pas pour un rien, je suis mes instincts.
Je préfère rester la fille sous la loupe des loups. Plus j'y plonge, plus j'y prends goût.

Je ne serais rien sans ses voyous.

Vos gueules bandes de jaloux.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)