vendredi 8 janvier 2010
La mémoire qui agit
Alors que vient de mourir le dernier survivant des deux bombes sur le japon ça m'a fait penser à Hiroshima Mon Amour, le classique d'Alain Resnais, qui m'avait beaucoup plu.
Faire côtoyer horreur et sensualité de la sorte, la photographie de Sacha Vierny, le texte impresionniste de Marguerite Duras, Emanuelle Riva, tout ça est un véritable chef d'oeuvre pour mes yeux et pour mes oreilles. Du cinéma dont on sort transformé. Un drame et un film inoubliable.
L'Année Dernière à Marienbad, le film suivant d'Alain Resnais m'a encore plus séduit. Au point de le considérer encore aujourd'hui comme l'un des 5 films des plus importants de ma vie (les autres étant Annie Hall, Reds, The Godfather I & II, The Cook, The Thief, His Wife & Her Lover). Ce film poétique, mais où le cadrage possède la précision du documentaire, déstabilise l'écriture cinématographique. Le dialogue et la musique, au milieu des marbres et des miroirs, illustrent l'aventure d'un amour, rêvé, désiré et peut-être vécu.
La particularité du film réside dans la relation qu'entretiennent les deux personnages principaux : un homme et une femme. Cette relation est fondée sur l'entreprise de l'homme de se rappeler au bon souvenir de cette femme; seulement elle ne se souvient nullement de lui bien que l'homme paraisse sincère et disposé à lui remettre en mémoire tout ce qui a constitué cette (prétendue) relation entretenue l'année précédente à Marienbad (ou ailleurs).
Les deux auteurs du film, (Resnais & le romancier Alain Robbe-Grillet) entretiennent le doute quant à l'interprétation à faire du film, chacun y est allé de sa théorie, un court documentaire en supplément du dvd (aux éditions canal + ) est très instructif à ce sujet : donnant quelques interprétations judicieuses de l'oeuvre.
Les jeux sont très présents dans ce film, symbolisant les hasards du destin (dominos) mais aussi le bluff (poker). Mais le jeu le plus caractéristique est une sorte de jeu de Nim, qui sera connu ensuite, grâce au film, sous le nom même de jeu de Marienbad. Un des personnages - en fait le supposé mari de la femme à qui le personnage principal du film essaie de remémorer une liaison passée - joue partie sur partie avec détermination et froideur, et ne perd jamais. Il joue avec des cartes, des dominos ou des allumettes. Il prononce même cette phrase « Je peux perdre, mais je gagne toujours… ».
Ce film, toujours délcicieusement photographié par Sacha Vierny, est une sorte de rêve éveillé, un climat, que les longs traveling et Delphine Seyrig rendent inoubliable.
Du David Lynch 20 ans avant l'heure.
Ces deux films assurément cérébraux, ne sont pas pour tout le monde. Si vous êtes du type cérébral, Mon Oncle d'Amérique, tourné en 1979 toujours par Resnais est totalement encré dans le cerveau. Charlie Kaufmann doit être un fan de Resnais.
Ce film emprunte largement au documentaire en imposant une voix off du professeur Henri Laborit ainsi que ses théories sur le comportement humain. Il apparait même à l'écran quelques fois. Cette peu ordinaire contribution d'un des plus grands philosophes du XXe siècle est nourrie de nombreux moments de réflexion. Notamment, la relation de l'Homme au mensonge. L'épouse, pour faire revenir son mari au sein de sa famille, utilise la stratégie du mensonge. Elle fait croire à la nouvelle compagne de son mari qu'elle va mourir dans peu de temps et parvient à l'en convaincre en lui proposant un marché. C'est seulement deux ans plus tard, alors qu'il est revenu chez lui, qu'il a réussi sa carrière, que l'époux, également heureux dans sa vie familiale apaisée, apprend le mensonge de sa femme. Certes, mécontent, il n'en est pas moins flatté. Ce mensonge dévoilé a fait son bonheur malgré lui. Il a sauvé son couple et sa vie familiale. Ce mensonge n'est-il pas une haute preuve d'amour ? La maîtresse est éconduite.
Nous suivons les destinées de personnages joué par Roger Pierre, Nicole Garcia et Gerard DePardieu qui s'identifient respectivement aux comédiens Jean Marais, Danielle Darrieux et Jean Gabin. Ses trois légendes font aussi parti du film au collage parfois impressioniste qui rapelle un peu un autre grand film, Nous Nous Sommes Tant Aimés d'Ettore Scola sorti en 1974.
Resnais c'est la mémoire qui agit.
Un peu pas mal l'une des fonctions du cinéma à bien y penser.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)