samedi 5 décembre 2009

Soeur Sourire


Jeanine Deckers est née à Bruxelles le 17 octobre 1933. Elle connaît une enfance et une jeunesse qu'elle décrit comme mornes.

Cherchant sa voie pour fuir l'autorité de sa mère, elle entre dans l'ordre catholique des dominicains en 1959, où elle devient Sœur Luc-Gabriel. Très vite, elle se fait apprécier des autres sœurs du couvent pour ses compositions musicales.

Sa hiérarchie décide de lui faire enregistrer un disque et négocie un contrat avec la compagnie Philips. Ni son nom, ni son image n'apparaîtront sur les pochettes. Le pseudonyme Sœur Sourire, lui-même, dont elle dira plus tard qu'elle le trouvait ridicule, est choisi par un panel d'auditeurs-test, il reste la propriété des contractants : son éditeur et son couvent. Les droits normalement dévolus à l'auteur-compositeur-chanteur reviennent au couvent. En vertu de ses vœux de pauvreté et d'obéissance, Jeanine signe.

La très George Brassens-chanson Dominique, dédiée à Dominique de Guzmán, fondateur de l'ordre dominicain dont elle fait partie, obtient un succès mondial. La fraîcheur de sa voix et de ses textes, la simplicité apparente de sa foi lui attirent la sympathie d'un public qui ne se limite pas aux catholiques.

Son anonymat excite la curiosité de la presse et la rumeur lui prête une beauté proportionnelle à la pureté de son âme. En 1963, The Singing Nun comme elle est rebaptisée aux États-Unis et en Angelterre est no 1 au Billboard magazine américain et, l'année suivante, Sœur Sourire passe au Ed Sullivan Show — ou, plus exactement, c'est Ed Sullivan lui-même et son équipe qui se déplacent au couvent de Fichermont. En 1966, un film américain, Dominique (The Singing Nun), est consacré à son histoire avec Debbie Reynolds dans le rôle-titre. L'actrice n'a que peu de ressemblance physique avec son modèle, dont le visage reste inconnu du plus grand nombre.

À cette époque, Jeanine Deckers reprend les études et essaie, à grand peine, comme en témoigne son journal, de s'intéresser à la théologie en suivant des cours à l'Université catholique. C'est peut-être cette parenthèse estudiantine qui l'amène à s'interroger sur le sens de sa vie. En juillet 1966, convaincue de son absence de vocation, et considérant la vie au couvent comme anachronique, elle quitte les ordres.

Un contrat avec sa maison de disques lui interdit désormais d'utiliser le pseudonyme qui l'avait rendue célèbre. C'est sous le nom de Luc Dominique que Jeanine tente de poursuivre sa carrière avec des chansons comme La Pilule d'or, en 1967, qui est une ode à la pilule contraceptive. Tòut à fait dans l'esprit du peace & love de l'époque. Elle écrit à ce moment des titres plutôt musclés par lesquels elle s'en prend aux mères, aux hommes (qu'elle juge violents et dominateurs), à l'Église catholique et au conservatisme (Les Con-conservateurs). Elle se passionne pour les nouvelles approches de la théologie (entre Vatican II et Mai 1968), cherche à inventer pour elle-même et pour sa compagne une nouvelle voie religieuse, qui se situe entre la vie régulière et la vie séculière.

Elle refuse par ailleurs à l'époque de se considérer comme homosexuelle. ce qu'elle est pourtant mais qui va à l'encontre de son "éducation".

Le succès de ses disques, très modeste, donne raison à un de ses titres de l'époque, Je ne suis pas une vedette.

Son niveau de vie, très irrégulier, est néanmoins suffisant : elle tire ses revenus dans ses écrits, ses disques, des cours de guitare ou encore un travail auprès d'enfants autistes notamment. Ses problèmes avec l'administration fiscale transformeront cette situation précaire en un drame complet.

En 1976, elle tente un retour aux États-Unis, mais elle n'intéresse plus personne.

Les services fiscaux belges réclament alors à Jeanine Deckers les fortunes qu'aurait dû lui rapporter Sœur Sourire. Ils restent sourds à ses protestations. Elle fait appel à son ancien couvent et à son ancienne maison de production Philips. Les sœurs lui donnaient ce qu’elles estimaient être sa part. Philips, qui touchait les plus gros dividendes (95 % du total, le reste au couvent) ne l’a jamais aidée, tandis que les religieuses se sont montrées généreuses, l'ayant notamment aidée à acquérir son appartement de Wavre, à la condition qu’elle cesse de dénigrer la congrégation et qu’elle signe un document selon lequel la congrégation ne lui devait plus rien, ce qu’elle fit.

Confrontée à une dette monstrueuse (et les intérêts accumulés), Jeanine et sa compagne, Annie Pécher, thérapeute d'enfants autistes, sombrent dans une dépression que l'alcool et les médicaments ne font qu'aggraver. Toutes deux finissent par se suicider ensemble le 29 mars 1985.

Ironie du sort, le jour de son suicide, et à son insu, la SABAM avait récolté 571 658francs belges, soit largement plus que sa dette de 99 000 francs belges.

Un nouveau film biographique retrace la vie de Sœur Sourire et est sorti en salles hier. Il s'agit du film franco-belge de Stijn Coninx, qui sort 24 ans après sa mort, où elle est incarnée par l'excellente Cécile de France.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)