mardi 3 novembre 2009
Lenny
Une fois par génération ou à peu près un homme vient tenter de repousser les limites de l'acceptable.
J'aime bien ses rebelles qui, comme moi, dès qu'ils ont une consigne s'applique tout de suite à en étudier les manières de les contourner. Tous les Québécois sont pas mal comme ça. Regardez les gens qui actuellement essaient de se faufiler dans les files de vaccination malgré les consignes.
Lenny Bruce explorait jusque dans les racoins les plus sombres les fantaisies inavouables de son époque : la part sombre des rêves, les désirs et les illusions que la plupart des gens se permettaient d'esquiver du bord de leur conscience sans jamais oser se les représenter. Bruce leur tirait cette part coupable en plein visage à la fin des années 50 et au tout début des années 60.
Légendaire comique, satiriste social, Porte-étendard de la liberté d'expression et martyr de l'élite sociale et du code moral à l'époque de la conformité; Lenny Bruce c'était tout ça.
Son génie se situait dans sa capacité à articuler ses fantaisies sur scène. Un stand-up comic de proffession, un juif à l'accent rustre faisant parti intègre du monde décadent du nightlife de l'époque jazz des années 50, il salait la nuit de ses histoires risquées sur scène.
Dans les années 50/60, être un homme voulait souvent dire vivre chaque moment comme si c'était son dernier. Bruce épousait ce style de vie totalement. Il a révolutionné l'humour Étatsuniens en lui donnant un rhytme de bebop suivant le tempo surréaliste de son imagination.
Eisenhower et Nixon, Billy Graham et le Cardinal Spellman, Lawrence Welk et la Mafia sont devenus ses cibles. Dr. Strangelove, Portnoy's Complaint, Woody Allen et Cheech & Chong doivent beaucoup à Lenny Bruce. Bob Dylan et les Beatles étaient de grands fans de son humour aussi. Les Beatles ont placardé la face de Bruce parmi la foule de leur pochette Sgt Pepper's Lonely Heart Club Band en 1967.
En utilisant l'obscènité (enfin ce qui était jugé obscène à l'époque)comme moteur de création afin d'impacter profondément les répréssions et les injustices de la classe moyenne, Bruce s'est attiré les foudres de l'influente église catholique, de la police et de tout un lot de gens qui ne savaient rien sur lui sinon qu'il avait une sale tronche et une langue trop pendue.
Arrêté jusqu'à 7 fois dans la même ville à sa sortie de scène, banni de l'Angleterre, Bruce a quitté la scène afin de devenir un avocat de la liberté d'expression. Engageant tout un lot d'avocats qui l'ont toujours sauvé devant les juges, sa carrière s'en est toutefois trouvée détruite. Dave Chapelle, South Park, Family Guy doivent toute leur oeuvre aux batailles juridiques de Lenny Bruce.
Mort d'une overdose à l'âge de 40 ans, Lenny Bruce qui n'était plus qu'un pauvre alcoolique incohérent est devenu un martyr à partir de ce moment. Une victime de la conformité.
Alors qu'au fond c'est plutôt son côté auto-destructeur qui l'a achevé.
Lenny Bruce n'était qu'un juif de la classe-moyenne dont la vie était vouée à incarner toutes les fantaisies qui obssédait sa conscience. Un moraliste sur scène il s'appliquait hors scène à se livrer à toutes les immoralités cousines de la criminalité. Souvent payé en argent par la Mafia, il faisait écho à ses impulsions perpétuellement. Ce sont elles, ses impulsion, qui l'ont guidé vers la chute et la mort précoce. La drogue qu'il consommait en proportion épique, le sexe qu'il préférait spontané, éphémère ou orgiaque. L'amertume revancharde qu'il a utlisé contre sa femme dans des gags douteux sur scène puis son travail avec la police contre les vendeurs de drogue qui le fournissait et l'avait fait coincer.
Moralement ambivalent comme l'Étatsunien moyen de nos jours, Lenny Bruce représentait l'inconscient masculin des États-Unis en incarnant le meilleur mais surtout le pire de l'Homme moyen.
Il a été retrouvé nu dans sa toilette ayant succombé à la "médecine de Dieu" le 3 août 1966.
Seul avec ses aiguilles.
Sa dernière fantaisie.
Bob Fosse a réalisé un fabuleux film avec Dustin Hoffman au sommet de sa forme dans le rôle de Lenny en 1974.
À voir
Merci John, j'adore quand tu me fais connaitre des personnes qui sortent de l'ordinaire.
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