jeudi 6 juin 2019

Cinema Paradiso**************Bonnie & Clyde d'Arthur Penn

Chaque mois, dans les 10 premiers jours, comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une des mes trois passions majeures: Le cinéma.

Je vous parle d'un film qui m'a marqué par son sujet, sa facture visuelle, ses interprètes, son audace, ses choix. Un film dont j'aurai aimé presque tous les choix.

J'ai étudié et travaillé en cinéma. On ne se sort pas ça des veines comme ça.

Un film, c'est pas toujours des super héros. C'est aussi des fantasmes d'adultes.
Parfois inspiré de faits réels.

BONNIE & CLYDE de ARTHUR PENN

La cavale meurtrière de Bonnie Parker et Clyde Barrow, dans les années 30, à une époque où John Dillinger et Pretty Boy Floyd donnaient un aspect romantique et attirant aux voyous d'un peu partout en Amérique du Nord, allait aussi inspirer Warren Beatty, convaincu du sujet, et de vouloir en faire une comédie dans l'esprit des keystone cops.
Le résultat final oscillera constamment entre la comédie et la violence, dans l'esprit de la Nouvelle Vague Française. Ce sont d'ailleurs eux qui auront le scénario en main les premiers. Aussi tôt qu'en 1958. Jean-Luc Godard tournera À Bout de Souffle inspiré de son expérience avec le script. David Newman & Robert Benton voulaient envoyer leur script à Arthur Penn mais celui-ci était déjà fort occupé avec son film The Chase. Newman & Benton envoient leur scénario à François Truffaut, qui est trop occupé sur son projet Farenheit 451 et suggère son ami Jean-Luc Godard à la place. Les scénaristes sont fort excités, pas les producteurs.

Godard veut relocaliser l'action au New Jersey, en janvier, donc en hiver. Et rajeunir considérablement les acteurs. Les producteurs ne veulent rien savoir, ils veulent le tournage au Texas, où la météo est toujours la même, chaude. Godard, insulté leur répond qu'il leur parle de cinéma, et eux lui parlent de météo. Il leur dit adieu. Mais en 1968, alors qu'il assiste aux Oscars, il leur redemande "on repart nos relations à zéro?" les producteurs font la sourde oreille.
C'est Warren Beatty, après avoir rencontré Truffaut et Godard, qui convainc les producteurs qu'ils doivent suivre leur première idée, Penn, et engager un réalisateur des États-Unis pour ce sujet Étatsunien.

Mais Penn est occupé et pas intéressé. George Stevens, William Wyler, Karel Reisz, John Schlesinger, Brian G. Hutton, Sydney Pollack sont consultés, tout le monde refuse le script. Même Penn, jusqu'à ce que Beatty lui-même et Robert Towne ne retouchent le scénario, le rendant plus violent. Mais toujours comique aussi. Penn accepte alors.

Shirley MacLaine était le choix des producteurs pour incarner Bonnie Parker, mais c'est la soeur de Beatty. On ne la fera pas jouer son intérêt amoureux, trop tordu. Jane Fonda, Tuesday Weld, Ann-Margret, Leslie Caron. Carol Lynley, Sue Lyon sont considérées pour Bonnie. Cher auditionne. Beatty veut Nathalie Wood, une ex amoureuse, elle préfère se concentrer sur sa thérapie. Faye Dunaway gagne le rôle en perdant 30 livres pour le jouer. Elle avait auditionné pour un projet de Penn auparavant, et il l'avait beaucoup aimée.

Le film sera très controversé pour l'époque. Marquant un clivage important entre une nouvelle génération de cinéphiles et une plus traditionnelle. La glorification de meurtriers secouaient les valeurs conservatrices Étatsuniennes. Le script montrait d'abord Clyde comme bisexuel et impliqué dans un ménage à trois avec le chauffeur les aidant à fuir les lieux des crimes. Mais Beatty ne veut pas de cette sexualité qui violera les codes de censure et il sera finalement dépeint comme impuissant. Ce qui le rend presque sympathique. Humain.
Le film sera l'un des premiers à utiliser des squibs, des mini explosifs, disposés en macarons plein de faux sang, sous les costumes, afin de simuler les coups de balles portés au corps. Utilisé des milliards de fois depuis. Et il y en aura des coups de balles...c'est entre autre ce qui causera scandale, l'une des scènes finales. Et qui dit scandale, dit succès phénoménal.

Le réalisme graphique qui fera le succès des Sam Peckinpah et Quentin Tarantino qui suivront, est tout à fait vissé pour les yeux de 1967 sur grand écran dans ce film marquant. À la grande stupeur des spectateurs de l'époque. Avec insistance sur les 4 dernières lettres du mot stupeur.

Warner Brothers en voulait beaucoup à Beatty. Premièrement d'avoir refusé de participer à un précédent projet à eux, puis d'avoir longuement voulu que le film soit tourné en noir et blanc, finalement, pour avoir dépassé largement les coups de production. Warner Brothers refusèrent d'abord d'y placer leur logo. Mais Beatty le fît tout de même, prétextant que c'était non seulement la vérité, mais aussi, ses initiales. Warner Brothers ne fera aucune publicité en faveur du film pour se venger.

Les faits réels ne faisaient pas envoyer des photos aux autorités pour les narguer. L'humiliation du policier est aussi inventée. Les photos ont été découvertes un peu avant la mort des deux voyous, et le policier capturé ne l'a jamais été. Il n'a vu le couple que le jour de leur mort, en Louisiane, en 1934. Y participant. Il n'a jamais été humilié comme dans le film. Un accord hors cour sera fait quand il les poursuivra pour trahison des faits. Le film simplifie beaucoup la vie du tandem alors qu'ils ont fait plusieurs séjours en prison, et on eu comme alliés plusieurs gangs différentes.

La critique sera partagée, les plus vieux parlant de sacrilège, les plus jeunes parlant de moment charnière dans le cinéma des États-Unis.

Ce que le film fût.

Un des premiers du New Hollywood, brisant les tabous cinématographiques et devenant populaire auprès d'une jeune génération, dont plusieurs, membres de la contre-culture naissante. Le film était un cri de ralliement. Son succès a suggérer aux nouveaux réalisateurs d'être plus confiants dans leur présentation du sexe et de la violence dans leurs oeuvres. La fin du film est toujours considérée comme étant l'une des plus brutales de l'histoire du cinéma des États-Unis.

Une mort importante dans The Godfather, 4 ans plus tard, s'en inspirera fortement.

Le film sera nommé pour l'Oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario, du meilleur acteur, de la meilleure actrice, du meilleur acteur dans un rôle de soutien deux fois (Gene Hackman & Micheal J. Pollard), pour les meilleurs costumes, pour la meilleure cinématographie (Burnett Guffey) et pour le meilleur second rôle féminin (Estelle Parsons). Ces deux derniers repartent avec la précieuse statuette.

Telle ne fût pas ma joie de trouver le film à moins de 10$ dans une brocante il y a quelques années.

Un trésor.

Dont la violence d'antan, reste risible aujourd'hui.
On les voulait morts ces crapules.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)