mardi 3 juin 2014

La Chicane

J'étais au comptoir de la caisse de l'épicerie, ipod en tête.

J'avais récemment découvert que j'avais toujours confondu une chanson de Kaolin, que j'adore franchement, en pensant que c'était Raphaël qui chantait le morceau. Je m'étais à l'époque procuré l'album de Raphaël sans jamais réaliser que je n'avais pas le morceau entendu de Kaolin dessus, et je prenais probablement le morceau de Kaolin pour un autre de Raphaël. J'ai réentendu le morceau de Kaolin récemment et c'est ma voiture qui en a identifié correctement l'auteur sur l'écran de la radio. J'ai été chercher la chanson.

J'adore Raphaël quand même. Amour du parfait hasard mais amour quand même.

Je pensais à tout ça quand j'ai remarqué que la caissière me faisait des grimaces.

"oui? quoi?" J'ai demandé.
"Je ferme ma caisse pouvez-vous le dire au(x) prochain(s) qui vont venir?"
"Zavez pas une petite pancarte métallique qui dit "fermée""?
"Je sais pas elle est où, je vais juste aller voir le monde aux cigarettes, je reviens."

Une toutoune se pointa aussitôt derrière moi avec sa commande de 67 articles (c'était un comptoir qui ne prenait que les clients n'ayant que 12 articles et moins)

"C'est fermé" j'ai dit.
"Vous travaillez ici?" m'a-t-elle demandé abruptement.
"Non, mais la caissière m'a dit de vous dire qu'après moi, elle fermait sa caisse"
"C'est ça, c'est ça, mais moi je suis là et je suis préssée, elle devra me prendre" a dit balloune et défaisant son panier. Je la regardais comme on regarderait un hippopotame qui déféquerait. Elle avait parlé fort, était brusque, un nuage dans un si charmant après-midi ensoleillé. Des chips, de la liqueur, du balloney, du chocolat, tout son surpoids expliqué en un seul panier. Je me suis abstenu de commentaires.

Pour le moment.

Quand la caissière est revenue de ses cigarettes, elle a remarqué la présence de la toutoune avec ses 67 articles qui s'accumulaient sur le tapis près des 8 miens.
"Euh...madame..." a-t-elle commencé avant de se tourner vers moi "Vous ne lui avez pas dit que j'allais être fermée?"
"Oui mais madame n'a rien voulu entendre, madame se croit importante..."
"ET JE LE SUIS...! a-t-elle coupé, le client est ce qu'il y a de plus important dans une entreprise et il faut en prendre soin. Il doit être roi et comblé. Et moi je serais comblée si vous pouviez me passer" a-t-elle enchaîné, parlant toujours trop fort.
La jeune caissière a semblé intimidée. Je suis intervenu.
"Vous n'allez tout de même pas céder à cette femme mal embouchée avec son surplus d'articles à la caisse des 12 en plus!" J'ai dit à la jeune fille.
"JE SUIS PRESSÉE!" a réitéré la conne, convaincue que le tonnerre de sa voix était aussi un point d'argument.
"Oui, mais ça, cette jeune femme n'en a rien à foutre que vous soyez pressée, peut-être doit-elle aller à sa pause, il faudrait bien respecter ça, non? Vous en avez des pauses vous à votre travail, non? Vous aimeriez qu'on vous retarde votre pause?"
"Je N'AIME JAMAIS QU'ON ME RETARDE, et de toute façon je n'ai moi, jamais de pause, je suis sur le bien-être social!"
"Qu'est-ce qui presse tant alors? Une entrevue pour un travail?"
Là, j'étais con, je n'avais pas à être blessant envers cette pauvre sotte en la jugeant de la sorte, c'était la haine du parfait hasard, mais la haine quand même qui parlait.
La conne m'a expliqué ce qui pressait mais je n'écoutais plus, j'étais occupé à la mépriser. Il fallait que je redonne un coup de volant dans une autre direction. J'ai demandé très calmement:

"Vous parlez fort. Avez-vous un problème d'oreille?"
"C'EST PARCE QUE VOUS PARLEZ FORT VOUS-MÊME!" me dit-elle.
Quel andouille! j'avais encore mon Ipod sur les oreilles! je regardai autour, tout le monde nous écoutait, je devais crier moi aussi. Devant public, j'ai changé de registre.

"Vous êtes naturellement idiote ou vous vous pratiquez chez vous avant de sortir du zoo?"
"Et vous? vous êtes une araignée ou naturellement laid?"

Extrêmement habilement, comme si je l'avais toujours pratiqué, j'ai crevé d'une de mes clés de voiture un de mes sacs de lait et, aidé des Dieux, un jet de lait s'est aussitôt dirigé dans l'oeil de la grosse dame. Celle-ci, au lieu de se tasser du jet qui blanchissait son visage, restait sur place en gesticulant grossièrement et en disant "Heille! arrête!!! arrête!!!!". Le lait pissant dru dans ses yeux, sur ses mains qui tentaient de masque son visage et sur ses joues.
Elle était grotesque. Ça me faisait rigoler, tasse-toi du jet, Pustule!
La caissière et un public de badaud se marraient aussi.

Ça m'a fait penser à ce show de U2 à l'Hippodrome où à la sortie du spectacle, la police avait eu la mauvaise idée de faire passer les milliers de spectateurs par UNE SEULE PORTE menant au métro. Bien entendu, ça créait un lourd ralentissement et un effet d'étau qui faisait paniquer les gens quand la pluie tombait et qui choisissaient de pousser sur ceux devant, en faisant tomber plusieurs, qui se faisaient piétiner volontiers. Quand l'amoureuse et moi avions fini par passer par la minuscule porte, c'était le chaos absolu et nous sommes moins entrés que nous avons été propulsés par un mouvement de foule, un mouvement de panique très inquiétant. Nous étions donc soudainement très tendus dans le métro.
J'avais traîné avec moi une bouteille d'eau vide depuis le spectacle dans l'espoir de trouver une poubelle. En vain. Écoeuré de la traîner, je l'avais déposée là ou 6 autres personnes, aussi écoeurées que moi, j'imagine, avaient fait la même chose avec l'exact même type de bouteille, sur un rempart de l'escalier du métro. Un policier zélé m'avait surpris, il a voulu faire son show.
"HEY! QU'EST-CE QUE VOUS FAITES LÀ?"
"Comme les 6 autres avant moi monsieur, y a pas de christ de poubelle!" j'avais répondu du tact au tact.
" Y EN A UNE LÀ!" avait il beuglé en me pointant une poubelle murale à quelques 30 pieds sur le mur du métro.
Il voulait faire un show? je jouerais mon rôle moi aussi.
Enragé j'ai pris la bouteille et l'ai aussitôt tirée de toute mes forces à 30 pieds de moi, la bouteille frappant les deux murs en coin avant d'aller directement dans la poubelle murale. J'aurais voulu essayer un tel tir que je n'aurais jamais réussi. Les gens ont été stupéfaits, mais surtout éblouis. Plusieurs avaient ri et d'autres avaient carrément applaudi. J'étais resté le visage fermé de rage et je dévisageais le policier qui m'avait crié après, mais au fond de moi, je me disais... "Wow! comment j,ai fait ça?" et aussi "Et si cette bouteille n'avait pas atteint le fond de la poubelle..."? J'avais été béni des Dieux. Et aux yeux des autres, j'avais été un Dieu du geste.

J'avais été tout aussi béni avec ce jet de lait. En perçant une des pintes, le jet aurait pu m'exploser au visage, mais il s'est pointé directement dans le blanc des yeux de la toutoune. Et les gens riaient encore.

J'ai pris la pinte trouée et l'ai pressée pour que le reste de son contenu explose au visage de la dame. J'ai quitté laissant toutoune aveuglée par le jus de vache.

À la prochaine chicane.

J'écoutais autre chose dans mon Ipod.
Je suis un hooligan des épiceries.

In the midst of life, we are in death, Etc.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)