lundi 7 janvier 2019

En Territoire Aîné

Durant le temps des fêtes, on a séjourné chez le père de l'amoureuse, chez sa mère, et chez la mienne.

D'emblée, je dois concéder que je n'ai jamais connu mes grands-parents, toute la dynamique autour des gens plus âgés m'est relativement inconnue. Je réalise aussi que je la découvre beaucoup, maintenant. Mon beau-père a 76 ans. Sa conjointe, autour du même âge, la belle mère peut-être 74, son conjoint un an ou deux de moins, ma mère, 70.  

Tous les 5 nous ont entraînés en territoire aîné quelques fois. Ce qui a exigé, par moments, une certaine patience, nouvelle. On pouvait clairement voir glisser des conversations dans des zones de confusion où personne ne s'écoutaient vraiment et où il fallait presque dire "taisez-vous, je termine ce que je vous dis, vous aurez tout compris!". Ce qui est arrivé au moins une fois avec l'amoureuse vis à vis son père et sa conjointe.

C'est surtout là qu'on a beaucoup senti le territoire aîné. Et c'est très normal. Je ne condamne rien de tout ça. J'ai été témoin de première ligne des confusions dont me parle l'amoureuse par rapport à ses clients. Elle travaille dans le domaine financier. Et bien qu'elle ait spécifiquement souligné qu'elle ne voulait pas se faire parler des marchés ou de son travail, la conjointe de son père a sauté sur le sujet, lui sortant toutes les craintes usuelles ARCHI confuses des aînés sur leur compréhension des tendances des marchés financiers.

C'était extrêmement difficile de marcher sur des oeufs en tout temps. De ne pas rire quand la caricature devenait trop grosse. De ne pas soupirer quand le commentaire creusait un ravin générationnel. De se placer, physiquement, dans la pièce, quand le sujet s'étirait nettement trop. J'ai vu l'amoureuse rouler les yeux au moins deux fois en écoutant une de ses 5 personnes. Une fois, simplement pour tenter de comprendre de qui on parlait.

Inconfortable.

Je sentais une tension montante en l'amoureuse, sa fille, quand son père commençait à nettement trop parler. J'ai voulu à un certain moment lui passer tendrement la main dans les cheveux, alors qu'elle était penchée pour attacher sa botte. Mais au même moment elle levait sa tête. Ce qui a donné une gauche coordination, qui lui a donné l'impression que j'avais tenté de lui maintenir la tête vers le sol. Qui aurait, oui, été une idée de bien mauvais goût, et m'aurait mérité le regard du tueur qu'elle m'a lancé. Mais ce regard, cette tension extrême qui a fait rire mon fils, et qui a inquiété ma fille, était né de son exaspération à entendre son père dériver dans une conversation.

Il y avait du très le fun dans notre séjour, mais aussi du délicat. Du dépérissant. On a joué à un jeu chez le belle-mère et les deux seuls qui n'arrivaient pas à mémoriser les règles du jeu et à répéter les même erreurs étaient les deux plus âgés. Ce qui a fait rire, mais rire jaune un brin aussi.

On touchait au désolant chez ma mère aussi. Qui semblait vouloir insister sur du drame (déplacé et en large partie créé de toute pièces pour déjouer la monotonie de l'ennui).

On ouvrait une vitrine sur un territoire qui nous as été rare: celui des aînés.

Avec leur aversion des technologies, leurs craintes, pas toujours justifiées, et un certain retour vers l'enfance dans la maturité. Pas facile.

Nous aurons tous cet âge. Nous nous redirigerons vers nos immaturités et nos confusions infantiles.

Reste que le film auquel nous assistions était parfois épineux.

Nos humeurs s'en sont trouvé affectés.

Nous les adorons. Aucun doute là-dessus. Et c'est probablement pour ça que la mollesse d'esprit dont nous avons été témoins nous affecte tant. 

C'est aussi un miroir déformant qui agace, forcément.

Une nouvelle réalité forçant en nous aussi, une nouvelle maturité.

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